L'ambiance à l'Iceberg Lounge était feutré, la salle centrale se découpait dans un nuancier de couleurs glacées et mordorées. La moquette était noir et imprimée de liserés dorés qui venaient rappeler le nouvel art déco qui était à la mode dans les quartiers huppés de la ville. Une partie de la pièce était coupée par des faux murs qui cachaient les travaux qui visaient à agrandir de moitié le commerce avec les bénéfices engrangé. Mais également à y construire un nouveau conduit creusé pour mener à des complexes souterrains qui se déployaient sous le Bellecourt Hostel et qui, si les estimations été bien réalisables, devait remonter jusqu’au Cobblepot Park à 50 mètres. Bien sûr l’investissement de ces « extensions » étaient faramineux et même les activités criminelles du propriétaire peinait à en couvrir toutes les projections. Mais à l’avenir, d’autres plans sauraient ponctionner l’argent à sa source. Quand viendrait le temps, il saurait récupérer le parc abandonné pour nourrir ses aspirations pour sa ville, la racheter aux entreprises Wayne qui avaient récupéré le terrain pour une bouchée de pain il y a de cela quinze ans. Quand viendrait le temps.

Oswald Cobblepot était, comme à d’autres occasion, en train de veiller sur son fief depuis la mezzanine encore plus tamisée que le reste de son royaume d’alcool et de toque.  Il glissa ses doigts gantées sur la banquette sur laquelle il était installé avec un air critique avant de redresser son regard veule sur son homologue.  Il avait face à lui la première pourvoyeuse de femmes de la région qui était négocier avec lui pour ouvrir une maison close sous son autorité. Mais Oswald en avait un peu rien à foutre, il fallait l’avouer, la prostitution c’était un milieu qui ne le faisait pas réellement frissonné comme d’autres activités du grand banditisme. Et puis il avait entendu que les trouducs incompétents d'Uptown s’étaient fait buter ou travailler maintenant pour un nouveau gars. Bref. C’était le bordel ce milieu. Mais avant qu’il n’est le temps de négocier une vraie rupture de contrat en bonne et due forme, les détonations retentirent près de son club. Encore ce connard de Batman ? Il bondit sur ses pattes boitantes et se pencha sur la rembarde.

« C’était un mauvais plan dès sa conception. » Je grogne plus qu’autre chose entre deux essoufflements, tandis que nous fuyons à travers les rues de Gotham, dans une direction dont j’ignore tout, toujours aussi peu habituée à me déplacer hors du Maze, et aucunement à l’aise avec un ciel sur la tête. Je ne sais pas où le Riddler nous amène, mais je présume qu’il a un plan de secours, et à défaut d’avoir mieux, je préfère lui faire confiance, le suivant comme je peux.

De ce que j’ai compris, ça devait être un échange, ou la récupération d’un bien, quelque chose du genre, je n’ai pas eu les détails, malgré mes questions harcelantes. J’imagine que pour une raison qui m’échappe encore, il était nécessaire d’y aller en personne, et je sais que ma présence était requise, en observation. Pour le reste, je n’avais pas eu plus d’explication, plus des consignes, à vrai dire. Les joies d’être un subalterne, je présume...

A l'image de tout ce que j'avais pu expérimenter ces dernières semaines, les sorties de terrains étaient bien là chose la plus désagréable qui m'avait été donnée de tenter, n’apportant qu’un enrichissement minime pour une contrariété exponentielle… Je n'aime pas quitter la protection qu'offrent quatre murs de béton autour de soi, c'est un fait, mais si en plus c'est pour se mettre a découvert sur le terrain, c'est bien pire. Cependant, je devais avouer que je n’avais pas été si revêche quand le plan m’avait été exposé, plutôt fière d’être utile, pour le coup. J’ai péché par orgueil et voilà le résultat. « La prochaine fois ça sera sans moi les p’tites sorties en ville... » Rajoutais-je en tournant la tête vers l’arrière, cherchant nos poursuivants. Étaient-ils encore derrière nous ? Dans le doute, autant essayer de presser le pas.

Il avait impérativement besoin de ces dossiers frappés du logo Wayne Entreprises, qui trônent sous son bras balancé d'avant en arrière à vive allure. Il en avait assez besoin pour que leur acquisition ne le traîne à l'extérieur de sa tanière fortifiée, impossible d'avoir recours à un excédant d'intermédiaires car la confiance n'existe pas quand la denrée est aussi précieuse. Pourquoi s’embarrasser de la présence d'un faire-valoir dans ce cas ? Parce qu'il ne pouvait couvrir du regard à lui seul le périmètre de l'action et la gamine a bien joué son rôle d'alarme. De là à lui reconnaître verbalement.
Son complet verdoyant perfore les artères sordides, ses mocassins se salissent d'une boue noirâtre. Économise ton souffle. Assène t-il aussi sèchement que sa respiration, laborieuse, sifflante entre ses dents le lui permet. Ses enjambées sont longues et vives même si son dos rond trahit son manque d'exercice de la course. Il est beaucoup plus rapide que la gamine anémiée, pourrait la laisser derrière comme un hors-d'oeuvre pour leurs poursuivants. Mais l'idée est mauvaise, n'effleure même pas son intellect. Car elle a été vue à ses côtés, qu'elle serait soumise à la question, car un être de sa condition physique et psychique malgré toutes ses bravades ne tiendrait plausiblement pas et qu'elle divulguerait consciemment ou non trop de choses. La paranoïa le chatouille. Il calcule l'itinéraire le plus sinueux pour duper les rats d’égout à leurs basques, fait volontairement des détours inutiles, coupe à travers les friches les plus accidentées. Il garde un œil sur l'enfant qui ne pourra pas tenir la cadence éternellement. Les jambes de la gamine ne mesurent que quelques dérisoires dizaines de centimètres, ses carences sont multiples, son volume d'oxygène maximum est limité. Le voilà entiché d'un sacré désavantage. Il préfère la blâmer intérieurement pour son défaut de croissance plutôt que de reconnaître la faillibilité de son plan.
Nygma mène la fuite jusqu'à un coupe-gorge où sont disséminés certains de ses pièges, ceux-ci devraient leur accorder un peu de temps. Mais avant ça ils doivent franchir un obstacle ; une grillage de deux mètres et trois centimètres de haut. Sans cérémonie et sans s’embarrasser ni de douceur ni de respecter l'ego proéminent de son acolyte il soulève la gamine par-dessous les épaules et la hisse à bout de bras en haut de la cloison ferrailleuse qui tangue dangereusement au vent. Il sécurise hâtivement le dos de l'enfant et passe impérativement sa jambe malingre de l'autre côté de la grille avant de s'élancer à son tour, escaladant sans savoir exactement où placer ses longs membres, ses feuillets glissés sous sa chemise et coincés par sa ceinture. Il s'empresse alors que les hululements des maniax à leurs trousses ricochent contre les briques salles de la ruelle, il manque de peu de tomber sur le dos en passant la herse et saute gauchement pour se réceptionner sur ses jambes flageolantes. Son regard vire au noir alors qu'il réajuste ses lunettes carrées sur ses traits anguleux. Les assaillants paieront pour toutes les bouffonneries occasionnées. Plus tôt que tard.
Il aurait presque omis de réceptionner Li Wei toujours en suspension dans l'air, c'est après un soupire excédé qu'il saisit la gamine comme si elle n'était qu'un sac à patates et qu'il la charge sur ses épaules. Des coups de feu retentissent alors Ed courbe le dos vivement, manquant de balayer son chargement dans la manœuvre, en grinçant entre ses dents serrées, il détale et par réflexe glisse sa main contre la nuque de la gamine dans un geste trivial de protection qu'il nierait sans vergogne.
Sa main libre arrache à la volée une brique mal scellée et active un bouton-poussoir dissimulé derrière ; aussitôt des gaz lacrymogènes envahissent la contre-allée derrière eux.
L'auto-satisfaction le touche mais il ne perd pas le cap et s'enfuit en courant, sachant que les clowns désaxés ne seront que retardés. Ce qu'il peut exécrer ces créatures démentes.
C'est sans avoir fait retoucher terre à la gamine qu'il arrive à destination ; l'Iceberg Lounge. Il sait qu'il s'agit d'une escale favorable, car Oswald lui en doit une. Non pas qu'honorer les dettes soit la marque de fabrique du Pingouin, homme versatile, le Riddler en a bien conscience, mais il sera initialement accueilli en allié - ce qui lui conférera assez de temps de latence pour peaufiner son plan de retrait. L'homme-mystère est haletant lorsqu'il pousse la porte derrière lui. Son torse monte et descend erratiquement avant qu'il ne regagne contenance lorsque des regards se portent sur lui. Là, il réalise qu'il a encore son chargement sur les épaules et s'en déleste en la faisant retourner au plancher des vaches.

es portes se poussèrent et immédiatement, Oswald comprit pourquoi ses hommes n’avaient pas abbatus l’intrus avant son arrivé ; ça aurait signé leur foutus arrêts de mort. Le complet vert sinople se démarquait avec éclat sur la moquette sombre et le nouvel arrivant tenait à ses côtés un paquet multicolore que le propriétaire devrait discerner en plissant les yeux si réellement il avait envie d’en faire l’effort. Ses lèvres se plissèrent d’une grimace contrariée et d’un geste de main aux accents de résignation exaspérée, il fit signe à ses subalternes de laisser couler. Le pingouin rangea sa propre arme dans le revers de sa veste et avança vers les escaliers.

Edward Nygma, qui débarquait dans son club comme un enfant courant chez lui après avoir fait une bêtise -comme au hasard avoir jeté un pavé sur son professeur de sport – avait une allure débraillée et ses cheveux châtains s’étaient éparpillés sur son front pâle. Les pas du trafiquant raisonnaient sur les marches froides plaquées bois, ses vêtements fastueux et son col emplumé lui donnait une stature qui rendait sa démarche rigide, son allure d’une gaucherie maîtrisée, faisant de lui l’empereur de sa banquise. Son regard délavé s’attarda un peu plus sur le génie du mal sans le sou et ce qu’il avait amené. Ses sourcils se froncèrent et son nez se retroussa quand il constata du caractère « vivant » de l’infamie. Mais, Ed l’avait eu sur les épaules, non ? Qu’est-ce que c’était que cette chose, un membre de la pègre très important croisé avec un aye-aye ? Quand le business man arriva à leur hauteur il ouvrit grand ses bras et de sa voix nasillarde s’exprima.
« Ed !!! » Ses petits pas étaient claudiquant, et finalement il posa juste une main sur son épaule plus qu’entourer la silhouette essoufflée. Son visage s’avança vers la tempe du hacker et s’exprima juste assez fort pour que les deux invités entendent. « Qu’est-ce qu’il se putain de passe ? »

Evidemment il était content de voir Edward. Moins dans ce contexte.